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Rugby universitaire : la victoire du jeu


Alors que les Finales Du Championnat de France Universitaire de Rugby à XV approchent (elles auront le Jeudi 5 avril 2012 à Balma – 31), replongez dans le quotidien des « esprits sains dans des corps sains »  c’était avant l’hiver…

 

Sur les stades municipaux, coincés entre Paris et « périph », chaque jeudi, de jeunes sportifs font vivre le ballon ovale, entre plaisir volé et traditions contrariées.   

Cela ressemble à une partie ordinaire. Même si les mêlées ne sont pas poussées, les tentatives de pénalités quasi inexistantes, les changements illimités et le terrain…synthétique. Jusque dans le score : 48-3. Mais au-delà du large succès des joueurs du Panthéon-Sorbonne sur leurs homologues de Paris Descartes, ce match et le rugby universitaire, en général, perpétuent surtout l’esprit et la pureté du sport. Avec pour seul mot d’ordre : Jouer, jouer, jouer ! Ce que confirme l’entraîneur des vaincus. Christophe Paradinas, ancien demi de mêlé et ailier du Paris Université Club du temps de sa splendeur (lorsque le P.U.C  évoluait en 1ère division) sous les ordres de Daniel Herrero, a également été 3 fois champion de France de rugby universitaire, à la fin des années 80 : «c’est le jeu à l’état brut. Ici, il n’y a pas la pression du résultat ou de l’environnement du club. Il n’y a pas d’argent. C’est le plaisir qui prime. ». Comme un retour aux origines, lorsqu’en novembre 1823, le créateur du monde ovale, William Web Ellis alors jeune étudiant, prit la balle à deux mains et traversa le terrain…pour s’affranchir des règles du football, dans un mouvement épris de liberté.

Une liberté contrôlée. Sur le banc de Paris Descartes, Antoine Trinh-Duc, cousin de l’ouvreur international, et trois-quart centre espoir au Racing Metro, est venu soutenir son équipe. Il aurait aimé jouer mais son club lui a demandé de se réserver. «Le jeudi, c’est le jour de repos imposé au Racing. De toute façon, -ironise-t-il-, le synthétique, ça brûle un peu». Car aujourd’hui, le rugby est professionnel et, comme dans toutes activités professionnelles,  les impératifs de ce nouveau métier ne sont pas toujours compatibles avec les loisirs. La forme débridée du mouvement universitaire, ses rencontres « amicales » du jeudi, ne s’accommodent plus aux rythmes de l’élite : depuis plus de dix ans, les championnats du monde de « rugby U » ont disparu. « L’équipe de France U était un peu l’antichambre du XV national pourtant », rappelle Damien Bardot, Directeur de la Communication et des Partenariats à la Fédération Française du Sport Universitaire (FFSU*), « en 2000, elle était championne du monde. Elle a eu dans ses rangs  Nallet, Chabal, Skrela, Milloud, Ibanez, Pelous… ».

Désormais, pour les spécialistes qui auraient également une tête bien pleine, priorité est faite aux clubs, aux centres de formations. Et cette tendance ne s’inversera sans doute jamais car depuis deux ans les jeunes rugbymen sont des denrées prisées par les ténors du Top 14 et de Pro D2. Devant l’importance du contingent de joueurs étrangers évoluant dans le championnat hexagonal, la Ligue Nationale de Rugby a imposé aux clubs de constituer leur effectif en respectant un quota de « joueurs issus des filières de formation » françaises (JIFF**). La proportion des JIFF fixé par la LNR est ainsi échelonnée: 40% de JIFF en 2010-2011 et 2011-2012, 50 % en 2012-2013 et 60 % en 2013-2014. Alors les futurs « Vincent Clerc»,-véritables pépites pour les années à venir-, doivent rester sages et ne pas déborder du cadre vert règlementaire : un comble pour un sport qui, à ses débuts, a été propagé par les étudiants !

Plaisir et autogestion. Alors pourquoi vouloir jouer en universitaire  lorsque l’on tutoie le haut niveau tous les jours ? «Déjà  pour être avec des mecs de ma classe d‘ âge. Ce n’est pas la victoire à tous prix. » répond Antoine Trinh-Duc «et puis c’est convivial ». L’un de ses adversaires du jour évolue au Stade Français : Thibaut Dorey a aussi connu le RC Toulon et une sélection chez les – de 18 ans. Il abonde : «c’est une bouffée d’oxygène, on est plus décontracté. On joue à la main, on se fait plaisir. ». Ce discours revient à la bouche de tous les joueurs présents qui évoluent au plus haut-niveau, laissant filtrer un constat inquiétant : déjà, pour ces hommes qui n’ont pas 23 ans, les contraintes du professionnalisme pressurisent, enchaînent, aliènent. Le rugby étudiant agit ainsi tel un exutoire qui les libère, chaque semaine pour un moment éphémère.

Olivier Beaugé, le brillant capitaine du Panthéon, auteur d’un essai en 1ère mi-temps va plus loin : « On peut relancer de partout. En club, dans tes 40, tu dégages au pied. Et puis, c’est vraiment une histoire de potes, le jeudi soir on se retrouve dans notre QG. Bref, on étudie, on mange et on vit ensemble.  ». Pour ce match, il fait aussi office d’entraîneur, décide des changements, remobilise à la pause. « Avant, on n’était pas bon. On n’avait pas d’effectif. Je suis allé voir un copain qui jouait au Stade Français et de fil en aiguille, d’autres connaissances d’autres copains sont venus et on a monté une grosse équipe. Là l’entraîneur n’est pas là alors je gère. J’essaie de faire entrer tout le monde. Il n’y a pas de plans particuliers. L’intérêt c’est que l’on se fasse plaisir. Même si je regrette aujourd’hui que Descartes n’ait pas offert une opposition plus forte.». Des deux côtés du terrain, envolées et relances ont animé l’après-midi. Le bonheur partagé, lui, animait secrètement les hommes de cette rencontre, qu’ils soient reconnus ou néophytes. Et ce n’est pas l’humidité ambiante qui apportait cet agréable vent de fraîcheur mais bien l‘essence du rugby pratiqué. Même l’arbitre de la rencontre, qui officie d’habitude au niveau régional les week-ends, pour la FFR, semblait heureux. Sidney Bellaloum, « au service du jeu », apprécie ce rugby U : « on siffle peu, ça joue dans les règles : il y a toujours une bonne entente. C’est vraiment sympa »«C’est plus bonnard et moins stressant qu’en club » ajoute Christophe Paradinas, «j’ai entraîné le PUC ; mais, quand je suis, ici, il ne me manque rien. Les joueurs sont purs, ils ne sont pas viciés par la concurrence et l’enjeu ».Ce soir, fidèle à « l’esprit du rugby U », l’entraîneur de Paris Descartes ira « bien sûr »boire un verre avec ses joueurs. Malgré la défaite et le professionnalisme, le jeu et l’aventure vivent encore.

188 ans après William Web Ellis, les universitaires perpétuent l’esprit de liberté… – S.L.

En janvier, l’équipe de paris 5 se rendait en Nouvelle-Zélande : deux matchs face aux prestigieuses universités d’Auckland et de Wellington, réception chez l’ambassadeur.* la FFSU regroupe 70 disciplines sportives. Elle organise 20 000 matchs de sports collectifs à l’année, 4000 événements en sports individuels, 70 championnats de France, et participe à 30 championnats du monde. Des Universiades, équivalents des jeux olympiques étudiants, ont lieu tous les deux ans en hiver (années paires)  et en été (année impaires) et  rassemblent 152 pays. La FFSU dénombre 96 000 licenciés, répartis dans 25 comités régionaux.
**Le « Joueur Issu des Filières de Formation » françaises a soit passé au moins trois saisons en centre de formation agréé d’un club de rugby professionnel, entre ses 16 et ses 21 ans, soit été licencié pendant au moins cinq saisons à la FFR en rugby à XV, mais avant ses 21 ans. Cette réglementation ne comprend aucune référence à la nationalité du joueur ou à son lieu de naissance. Ainsi, un joueur Fidjien ayant été licencié à la FFR durant sa période de formation pourra être considéré comme JIFF

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